Pateaugeons dans les clichés

Légo rouge

Le matricule 728 est une lesbienne.

En tant que dangereux gauchiste, j’ai une sympathie naturelle pour les membres des minorités, surtout quand lesdites minorités sont sujettes aux préjugés et à l’injustice. J’ai deux bonnes raisons pour cela : les gens qui souffrent méritent l’empathie; et ceux qui ont connu l’exclusion ont souvent une meilleure capacité à comprendre la douleur d’autrui.

Et, comme tout le monde, j’aurais parfaitement pu naître roux, noir, femme, dyslexique ou gaucher.

Pourtant, notre multirécidiviste de la bavure policière, que son avocat qualifie tendrement de «dame désespérée», s’illustre en corrigeant à coups de poivre et de matraque tout ce qui dépasse la visière de son entendement. Le monde est simple : l’ordre d’un côté, les méchants de l’autre. Protéger et asservir.

Mais ce qui m’impressionne encore plus, c’est sa capacité à décrire des humains inconnus en n’utilisant que des clichés. Aucun individu, ni suspect, ni manifestant dans son rapport verbal. Juste des rats, des osties de carrés rouges, des mangeux de marde, des trous de cul, des caves, des gratteux de guitare et des plateauniens du nowhere (ma préférée). On est assez loin de la police de proximité quand toute notre identité tient dans une seule de ces appellations fleuries.

Et bang, je sors du palais de justice en bousculant deux ou trois photographes, osties de preneux d’instagrammes à marde!

Si le 728 était un homme, hétéro, inculte et alcoolique, je comprendrais facilement sa tendance à cataloguer ainsi l’adversaire : on sait bien que la peur de l’inconnu ne favorise pas l’ouverture de l’esprit. Mais là, il s’agit d’une femme de 40 ans, héritière de la Révolution tranquille, et homosexuelle de surcroît! Il me semble que dans la société radicale qu’elle défend de toutes ses forces, le lesbianisme n’est certainement pas une vertu! Pensez-y deux secondes.

Stéfanie, mon petit matricule chéri, commence donc par t’aimer, ça pourrait t’aider à accepter les autres dans leur formidable diversité. Parce que ton avocat a raison sur un point : tu as besoin d’aide.

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