Les logos des 10 fleurons de l’entrepreneuriat québécois

Si politiquement, le Québec est une grande province, culturellement, c’est un petit pays. Un pays avec ses particularités et sa personnalité propre. Et comme nous ne sommes que 8 millions, nous bâtissons souvent à échelle humaine. Prenons les 10 plus grandes entreprises du Québec (j’ai volontairement omis celles qui n’étaient pas purement québécoises parce que je fais ce que je veux) : que nous disent leurs logos, et comment ont-ils traversé notre histoire?

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1. Desjardins

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Douze millions de revenus annuels : une petite abeille qui va loin! L’insecte stylisé dans sa cellule de ruche porte évidemment les stigmates graphiques des années 80, époque où la rationalisation des formes rendait les courbes suspectes! Bien qu’elle soit difficile à identifier – faites le test autour de vous -, l’abeille Desjardins est un emblème héraldique qui permet à la marque de se distinguer très clairement, tout en rappelant la vocation coopérative du mouvement, puisque les abeilles sont des créatures éminemment solidaires. L’autre signal fort, c’est le vert, une couleur beaucoup moins courante que le bleu, le rouge ou le gris. Pour l’aspect typographique, on a choisi l’Optima, une police sans empattements (sans serif) mais très classique, dont la douceur contrebalance la raideur  du système hexagone/carré du pictogramme.

Une identité visuelle pas très «21e siècle», mais tellement identifiable qu’on peut remplacer Desjardins par n’importe quel nom sans perdre la marque!

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2. Metro

metro

(À ne pas confondre avec la Société des Transports de Montréal, dont je parlerai plus bas!) En 67 ans d’existence, l’épicier Métro ne s’est jamais réellement distingué en terme d’identité visuelle. Le logo actuel se résume vite : cinq lettres minuscules (pour l’aspect proche des gens), grasses (pour l’impact visuel), italiques (pour la touche de dynamisme) et rouges (pour l’héritage graphique). La forme du m laisse présumer qu’il a été redessiné pour l’occasion et qu’il fait ainsi écho à son précédent design : une arche double (comme McDonald’s, héhé!). Et l’absence d’accent sur le e laisse planer un doute sur la francité du nom (oui, c’est bien une entreprise québécoise!)…

Un logo minimaliste qui n’accroche pas l’œil, et qu’on lit plus qu’on ne voit.

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3. Hydro-Québec

hydro-quebec

Mine de rien, ce logo incarne un morceau de l’histoire du Québec, et pas seulement parce qu’on le retrouve chaque mois en haut de nos factures! Le pictogramme jaune, dont une version géante éclaire le centre-ville de Montréal, est à la limite de la redondance avec les mots qui l’accompagnent : un éclair pour «Hydro» et un Q majuscule pour Québec, c’est facile mais ça fonctionne. Et ce symbole peut s’utiliser seul sans équivoque sur certains supports. Ce Q énergétique (désolé!) évoque aussi l’esthétique des schémas électriques, et son jaune orangé symbolise la chaleur. À l’inverse, le bleu marine du nom affirme clairement le côté institutionnel de la chose : on n’est pas chez Doc Brown! Malgré tout, sa disposition et son caractère italique lui confèrent un certain élan.

Pour citer Pierre Bourgault, chez Hydro-Québec tout commence par un Q pis finit par un bec.

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4. Jean Coutu

jean coutu

Si Jean Coutu est souvent cité en exemple dans les milieux d’affaires, il en est tout autrement dans le monde du design graphique. Disons les choses comme elles sont : ce logo est une véritable honte, une insulte au bon goût et une inexcusable preuve d’amateurisme pour une entreprise du top 5 québécois. D’une esthétique boiteuse et dépassée, il cumule tellement d’erreurs que je ne sais pas par où commencer. Le pictogramme qui joue à Tetris avec les lettres PJC dans une perspective digne du générique de Star Wars. Le tout qui s’inscrit dans un trapèze lui-même contenu dans un carré qui voisine un autre rectangle. Les mots Jean Coutu, écrits dans une typographie rouge engraissée et surdimensionnée, encore alourdie par un contour bleu et coincée dans un rectangle trop petit. La palette de couleurs : un rouge et deux bleus, parfois servis sur un panneau jaune vif. Mais pas toujours. On se console à peine en considérant l’ancienne version en LETTRES CAPITALES, joliment mises en relief par une ombre portée bien noire. Un antivomitif, Monsieur le pharmacien?

On trouve peut-être un ami chez Jean Coutu, mais apparemment pas de directeur artistique.

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5. Bombardier

bombardier

C’est l’histoire exemplaire d’une entreprise familiale qui devient une multinationale tentaculaire. En trois quarts de siècle, Bombardier a déployé ses ailes, ses chenilles et ses rails; il fallait bien que son logo suive le mouvement. Après être passé de la phase calligraphique à plusieurs générations d’engrenages, une décision stratégique a été prise : revenir à la base. Le logo actuel est donc basique à l’extrême : une Helvetica Black Condensed sans fantaisie, généralement noire ou grise, toute en majuscules. Difficile d’être plus générique. Ce déni identitaire n’est pourtant pas un faux pas : il est commandé par l’utilisation qui est faite du logo. En effet, le nom Bombardier apparaît le plus souvent en signature du logo d’un de ses produits, il faut donc qu’il reste sobre et lisible à n’importe quelle taille.

Un logo comme celui-là, c’est comme un Ski-Doo : ça passe partout.

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6. RONA

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À mille lieues du petit oiseau bricoleur de Ro-Na (contraction de Rolland Dansereau et Napoléon Piotte, les deux fondateurs), le logo que nous connaissons aujourd’hui est solide comme une superpoutre. Quatre robustes majuscules marines se chargent d’assoir la réputation de ce spécialiste du bricolage et de la rénovation. Seule concession figurative : la pente droite du A, qui évoque une charpente. À moins que ce ne soit un trio de 2 par 4? À défaut d’être chaleureux, voilà un logo rassurant.

Le loup peut toujours souffler, ça restera debout.

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7. Québecor

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À l’instar de Bombardier, le logo de Québecor est devenu une sorte de signature neutre qui s’efface devant ses produits grand public : télé, journaux, web, etc. Alors que la précédente itération mettait en scène une super lettrine qui ressemblait à un grain de café jaune, le nouveau logo, avec accent mais sans «inc.», se pose sur un arc bleu pâle. Les esprits chagrins l’interpréteront comme un sourire à l’envers, mais il s’agit plus probablement d’un profil terrestre derrière lequel le O de Québecor se lève tel l’astre du jour sur notre planète convergente. À moins que ne ce soit le mot OR qui se cache derrière un artifice graphique, laissant le QUÉBEC intact? En tout cas, rien n’est fait pour émouvoir les amateurs de belle typographie : on a artificiellement aplati une sorte de Futura sans grande personnalité.

Sitôt vu, sitôt oublié : on ne fera pas les manchettes avec ça.

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8. Couche-Tard

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Nettement plus cool que l’abeille de Desjardins, voici le hibou de Couche-Tard! La plus célèbre et la plus lucrative des enseignes de dépanneurs s’est bâtie une solide réputation en faisant des clins d’œil aux passants, comme quoi un oiseau de nuit reste un rapace. Le visuel et la marque créent un jeu de renforcement mutuel en redonnant une dimension de complicité et de sagesse au terme vaguement péjoratif de «couche-tard» (voir «les honnêtes gens se lèvent tôt pour gagner leur vie»)… Ici, le sympathique volatile est un réel signal visuel de reconnaissance, comme en témoigne sa taille par rapport au nom de l’entreprise. Ce parti pris audacieux est atténué par un choix de couleurs très conventionnel : du rouge et du bleu. Bleu nuit, évidemment. Côté typographique, on adhère à une tendance courante : des minuscules rondouillardes et italiques, un bon compromis entre le sérieux et la complicité.

Couche-Tard, un logo qui ne dort que d’un œil!

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9. STM

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De nos dix lauréats, le programme d’identité visuelle de la Société de transport de Montréal est le plus innovant et le plus ambitieux. Faisant suite à un long historique de logos insipides et froids, il n’existe sous sa forme actuelle que depuis 2010 et ne cesse d’être décliné dans les nombreuses campagnes de communication de la STM. Le logo n’est en fait qu’une des pièces de l’image de marque, les éléments visuels récurrents étant le chevron, la palette multicolore et le répertoire de formes stylisées qui en découlent. Nous sommes ici dans un monde de pictogrammes où les bonshommes ont une tête ronde et où tout ressemble à de gros jouets pour le premier âge. La marque, qui se dit «en mouvement», a lancé une opération séduction, principalement pour convaincre les citadins de lâcher leur voiture, mais aussi pour faire oublier la pénurie d’autobus et les pannes du métro.

Une campagne signée Sid Lee qui permet d’attendre le prochain bus dans un environnement plus tendance!

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10. St-Hubert

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Dans une basse-cour, le coq doit soigner son apparence pour conserver ses privilèges. Visiblement, le graphiste l’individu qui a commis le logo de St-Hubert n’avait pas lu le mémo. Je profite de cette occasion pour rappeler que le Québec fourmille d’excellents illustrateurs, majoritairement représentés sur le site d’Illustration Québec. Bon, admettons qu’un coq soit une bonne idée pour incarner une rôtisserie, et qu’un nœud papillon soit une façon adéquate de lui donner davantage de classe. Hum. Cela excuse-t-il un dessin maladroit? Non mais regardez le bec! Et cette «main» avec une quille de bowling en guise d’index! Tout ça nous est servi sur une espèce de trapèze jaune dont la forme évoque, euh… la vitre avant d’une Ford Festiva 1986? Sous ce cuisant échec illustratif, les mots St Hubert paraissent quasiment élégants, habillés d’une typographie cuisinée maison, avec empattements et italiques, mais sans trait d’union.

Si tes cuisses sont aussi moches que ta tête, ne m’attends pas pour souper, mon poulet!

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